Portrait – Il est l’un des nouveaux visages qui arpente les couloirs de la Coupole à Berne depuis le mois de décembre. Élu au Conseil national en octobre dernier sous la bannière de l’UDC, rien dans ses origines ou le début de son parcours ne laissait pourtant présager qu’Yvan Pahud côtoierait un jour le gratin de la politique suisse. Portrait d’un élu qui a séduit l’électorat par son franc parler et son entregent.

Au bistrot lausannois Le Simplon où nous le rencontrons (il aurait préféré Le Café de l’Europe, un établissement plus populaire « et moins bobo » qu’il affectionne dans la capitale vaudoise), Yvan Pahud arrive en costard. Il vient d’assister à l’assermentation de son successeur au Grand conseil. Lui se consacrera désormais à sa nouvelle fonction de conseiller national UDC et continuera à assumer celle de vice-syndic de Sainte-Croix. Car pas question pour lui de renoncer à cette charge dans « sa » région. « Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient », dit la maxime. C’est peut-être d’autant plus vrai pour ces élus des régions dites périphériques, qui s’élèvent parfois grâce au soutien indéfectible de leur district d’origine, au-delà des considérations partisanes. À lui seul, le Nord vaudois a donné 6’546 voix à Yvan Pahud, l’enfant du pays.

Né en 1980 dans une famille d’agriculteurs à L’Auberson, village-rue distant de 4,5 kilomètres de Sainte-Croix, le jeune Yvan grandit dans ce petit coin du Jura vaudois où les hivers peuvent encore être rigoureux. L’enfance passée en grande partie en extérieur – entre la forêt où son père, aussi bûcheron, l’emmène régulièrement, et la ferme familiale -, est structurante. Il en gardera un goût prononcé pour les activités au grand-air, un attrait pour les activités manuelles.

Un hyperactif qui se soigne

D’ailleurs, il ne brille pas à l’école où, rapporte-t-il, il s’ennuie. Ce qu’il aime, c’est faire le pitre pour amuser ses camarades. « Je ne supportais pas de rester sans rien faire. Aujourd’hui, je pense qu’on me donnerait de la Ritaline », analyse-t-il. Lui qui n’était pas scolaire se plonge désormais avec curiosité et assiduité dans les dossiers, dit s’intéresser à toutes les thématiques et pas uniquement celles qui concernent le milieu agricole et forestier.

Son hyperactivité, il la canalisera à l’âge adulte par une pratique intensive du sport (il a participé plusieurs fois à la Patrouille des Glaciers) et des engagements multiples (il est membre du club des Yodleurs de Sainte-Croix), et notamment en politique. Mais même au Parlement, l’élu ne tient pas en place. « Heureusement, tu n’as pas besoin d’attendre à une place. Je vote, mais après il faut aller là, discuter avec celui-ci, vite faire un truc… J’ai besoin d’être tout le temps au taquet ».

S’il profite de découvrir les rouages de son nouveau mandat, Yvan Pahud profite aussi des moments en famille avec sa femme et ses deux garçons de 13 et 12 ans dans son Nord vaudois natal. Et là aussi, les moments de repos sont rares.

« La Suisse, c’est le seul pays où tu peux imaginer pouvoir siéger à une haute fonction sans diplôme universitaire »

Le parcours d’Yvan Pahud démontre que les diplômes ne sont pas les seuls vecteurs de réussite, ni dans le domaine professionnel ni en politique. Le Vaudois y voit la preuve d’un système qui fonctionne. « La Suisse, c’est le seul pays où tu peux imaginer pouvoir siéger à une haute fonction sans diplôme universitaire ». Sans certificat en poche, il obtiendra ainsi deux CFC, l’un de charpentier, l’autre de forestier-bûcheron, créera à 20 ans, avec un ami, une entreprise forestière (dans la foulée de la tempête Lothar), et travaillera durant deux ans en tant que garde-frontière. Là encore, c’est sa difficulté à rester « à ne rien faire » qui aura raison de cette reconversion professionnelle. « Moi j’aime le grand-air, je voulais me déplacer partout. Rester 9 heures sur du goudron, sur un trottoir de l’autoroute à sélectionner les véhicules (il était positionné à Bardonnex, dans le canton de Genève), j’ai dit « ça ne va pas aller ». »

Un atout de taille grâce à l’armée

Mais le point charnière dans son parcours, c’est sûrement son passage à l’école d’officier à l’armée. Seul Romand du groupe, il se retrouve en immersion complète. Lui qui possédait à peine le niveau d’allemand du collège s’accroche. « Pour m’intégrer, j’ai appris sur le tas, en étant 24h sur 24 avec les copains ». Des Bernois, pour la plupart, qui lui transmettent ce qu’aucun livre d’école n’aurait pu lui enseigner : le Schwyzerdütsch. Une compétence qui n’en finit pas de lui être utile : pour obtenir le poste qu’il occupe encore à temps partiel aujourd’hui, de responsable des ventes pour la scierie Schilliger en Suisse romande. A Berne, où il peut aujourd’hui s’exprimer aisément avec ses collègues de tous bords politiques. Un vrai atout pour créer des contacts et se faire connaître.

Un UDC « de bon sens terrien »

Si aujourd’hui Yvan Pahud se dit « commun coq en pâte à l’UDC », c’est au parti radical qu’il a fait ses premiers pas en politique, un peu par hasard. Sa famille ne parle pas politique à la maison et lorsqu’un « gars du village » l’encourage à rejoindre le Conseil communal sur la liste radicale à l’âge de 21 ans, il n’a d’ailleurs, croit-il se souvenir, jamais voté. Mais lorsque quelques années plus tard, lors de la création du PLR en 2009, on lui bloque l’élection à la Municipalité qu’il convoitait (« Des magouilles », grimace-t-il), il effectue sa conversion dans la toute nouvelle section de l’UDC à Sainte-Croix. Aujourd’hui, il dit se retrouver pleinement dans les valeurs de l’UDC, « mais de bon sens terrien, plutôt dans le compromis ».

Malgré son franc-parler « qui peut passer ou froisser », admet son épouse Romaine, Yvan Pahud a ce côté « bon camarade » qui lui a valu de se faire des copains partout où il est passé, et permis de gagner la sympathie de son groupe (il sera d’ailleurs chef de groupe UDC au Grand conseil). L’homme aime les gens, discuter et échanger, et se sent particulièrement à l’aise avec ceux qui partagent ses valeurs du travail. « C’est pour ça qu’on se comprend au sein du parti, on a tous des cloques dans la main, de la terre au bout des souliers… »

Maureen Miles

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