Le Valais n’aura aucune représentante féminine au Conseil national. Les Valaisans ont élu les mêmes candidats qu’il y a 4 ans. Pourquoi est-ce si difficile pour une femme de faire sa place dans le monde politique valaisan? Interview d’une parlementaire verte et candidate malheureuse au Conseil national, la sierroise Daria Moulin.
Le 22 octobre, les résultats des élections fédérales tombent. Le Valais repart pour 4 ans sans aucune femme au parlement national. En 2019, le Conseil national voyait déferler une vague violette qui n’a eu aucune répercussion en Valais avec 8 conseillers nationaux tous de sexe masculin. 4 ans plus tard, le constat est le même. Alors pourquoi le Valais n’élit-il aucune femmes ? Qu’en est-il du parlement valaisan ? Y aurait-il du sexisme en son sein? J’ai posé la question à une députée verte, Daria Moulin : comment se sent-elle dans un parlement composé majoritairement d’hommes de droite.
Est-ce que c’est facile d’être une femme au parlement valaisan ?
Non, je pense que c’est moins facile d’être une femme qu’un homme. C’est plus difficile de se faire remarquer, de se faire entendre. Certaines fois, il faut jouer de quelques ruses pour obtenir l’attention.
Cela est dû à quoi selon vous ?
Les habitudes conservatrices. Moi, je suis une femme dans un parti minoritaire de gauche. Evidemment, c’est un cumul de difficultés très contraignant. Après, faire sa place, ça prend du temps. J’ai quelques fois essuyé des remarques et des comportements désagréables, mais il faut serrer son poing dans la poche et essayer de s’y faire. Un adversaire politique m’a traité de « pauvre femme » lors d’une discussion sur le féminisme en dehors du parlement. Ou encore, on m’a traitée d’hystérique suite à une prise de parole sur la question transgenre. Le sexisme au parlement, ce n’est pas une constante, mais ça existe.
« On sent bien que la femme n’est pas tout à fait acceptée comme étant un être doté d’intelligence et de capacité comme les hommes »
Aucune politicienne valaisanne n’a été élu au Conseil national, est-ce que cela vous pose un problème ?
Dans le fond, oui, clairement. La seule femme au Conseil des Etats risque de ne pas passer à cause de stratégies politiques, c’est navrant. J’entends aussi très régulièrement qu’elle est moins visible que son collègue. Oui, nous les femmes, on est clairement moins favorisées, moins soutenues. Après, il faut dire que sur les listes présentées cette année, il y avait beaucoup de femmes. Les listes sont de plus en plus équilibrées, en tout cas chez nous les Verts, mais on ne peut pas forcer l’électorat.
Aussi, quand une femme enceinte ou une mère de famille se présente comme candidate, il y a tout le temps les mêmes questions qui reviennent « comment tu fais avec des enfants ? Un travail, une famille ? Et la politique ? ». Je n’entends jamais un homme être interrogé de cette manière. En tout cas, les hommes ont toujours quelqu’un à la maison qui s’occupe. On entend même, dans les débats politique, des aberrations sur le format familial. Donc, on sent bien que la femme n’est pas tout à fait acceptée comme étant un être doté d’intelligence et de capacité comme les hommes.
Qu’est-ce qu’une femme peut apporter de plus qu’un homme en politique ?
Un peu plus de consensus, de conciliation, de pondération. Et l’émotion, elle est plutôt qualitative, je dirais. Le fait d’avoir aussi un aspect émotionnel dans ce qu’on fait, de ne pas avoir ce côté carré, froid et distant, c’est, je pense, une qualité en politique parce qu’on est au service de la population et non pas au service de notre image. La femme va plus être dans, je n’ai pas envie de dire la douceur, mais dans le respect de la vie d’autrui dans un but commun. On essaie peut-être moins de se mettre en avant personnellement, individuellement. Certains hommes ont la capacité et l’habitude de se mettre en avant en tant qu’individu. On le voit sur les affiches, certaines têtes sont beaucoup plus visibles que d’autres.
« Certains hommes ont la capacité et l’habitude de se mettre en avant en tant qu’individu »
En quoi c’est important qu’il y ait des femmes valaisannes au Conseil national ?
Il faut des femmes tout court parce qu’on a une autre manière d’aborder les thématiques. On représente quand même la moitié de la planète, donc, déjà à ce niveau-là, ce n’est pas représentatif d’avoir une écrasante majorité d’hommes. Les problématiques et les situations des femmes ne sont pas les mêmes, elles ne sont pas abordées de la même manière. Donc, si on veut représenter la population, il faut aussi qu’il y ait cette équité dans la représentation hommes, femmes.
Pourquoi est-ce que vous vous êtes lancée dans la politique ?
Moi, je me suis toujours investie depuis très jeune dans la culture. Après, au niveau politique, j’ai commencé d’abord à avoir un rôle dans la société de développement de mon quartier. J’ai oeuvré pendant un peu plus de 10 ans avec les instances politique locales en collaboration. Par la suite, naturellement j’ai voulu m’investir dans ma ville et au canton. Ce qui m’a motivé, ce sont mes enfants, j’aimerais leur permettre de vivre dans un environnement sain. C’est pour mes filles que je m’investi, et pour les générations futures.
Et pourquoi le parti des verts ?
Parce que c’est le parti qui, pour moi, concilie le combat pour l’environnement et les combats sociaux, d’une manière qui me correspond le mieux. J’ai dû faire un choix entre deux partis. Je suis une verte socialiste, mais je suis plus verte que socialiste. Pour moi, les verts, c’est le parti dont on a besoin. Et j’ai souvent dit que c’est plus une philosophie de vie qu’un parti politique.
Lolita Moos
