L’évêque du Diocèse de Sion Jean-Marie Lovey s’exprime sur le fort lien Église-État qui existe en Valais. Révision de la Constituante, financement de la nouvelle caserne des Gardes suisses à Rome ou encore la place de l’Église dans la société : le chef des catholiques valaisans fait le point.
Quelle est la place de l’Église au sein de la société actuelle ? À l’époque, l’institution religieuse prenait beaucoup (trop ?) de place : tout était érigé pour qu’elle soit au centre. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et heureusement selon Jean-Marie Lovey, évêque du Diocèse de Sion. Mais le domaine religieux reste fortement impliqué au cœur des débats politiques. Un lien Église-État qui persiste et qui n’est pas près de s’arrêter selon le responsable d’Église.
Rhône FM : Monseigneur Lovey, on parle souvent du lien Église-État en Valais. Vous, ça vous évoque quoi ?
Jean-Marie Lovey : Ça m’évoque la situation concrète de la plupart des citoyens ou des diocésains valaisans. Je pense que la plupart d’entre nous sont à la fois pleinement citoyens valaisans et pleinement membres de l’Église valaisanne. C’est la réalité de beaucoup de monde.
Actuellement, le Valais révise sa Constitution. À l’avenir, il sera plus facile de se libérer de l’impôt ecclésiastique. Un mauvais signe pour vous ?
Oui, il y a un risque que les gens quittent l’Église pour une question financière. Il faudrait que les raisons de rester soient plus importantes que sur le plan financier. Sinon, c’est sûr qu’il y aura une hémorragie.
« Je milite très fort pour qu’on reconnaisse la Garde suisse comme patrimoine universel »
Et donc ? Qui serait impacté ?
Franchement, tout le monde. Il faut savoir que les Églises font beaucoup pour le bien commun de la société. Quand il y a un décès, qui accompagne les familles ? Vous savez, l’Église est très présente en société. L’aumônier d’hôpital ne va pas rendre visite uniquement aux croyants, il le fait avec toutes les personnes qui le souhaitent. Et tout ce qui se passe au niveau de la diaconie (NDLR : service auprès des plus pauvres), c’est peut-être encore plus sensible. Donc, si l’Église a moins de moyens, c’est l’ensemble de la société qui sera impacté, ça c’est certain.
Un point qui a beaucoup fait parler dans la presse récemment, c’est le soutien financier du Canton pour la caserne de la Garde suisse à Rome. Ils verseront un million de francs…
Personnellement, je milite très fort pour qu’on reconnaisse la Garde suisse comme patrimoine universel. C’est tout simplement unique au monde. Une vitrine exceptionnelle pour la Suisse et le Valais. À travers les médias, on a voulu en faire un sujet religieux mais ce n’est pas du tout le cas.
Donc, c’est clairement touristique ?
Oui. À Rome, c’est purement touristique. Je ne suis pas sûr qu’il y ait beaucoup de visiteurs à Rome qui ne repartent pas avec des photos prises, et avec fierté, de gardes suisses.
Mais est-ce vraiment au Canton de décider et surtout de donner un million de francs pour un projet national à l’étranger ?
Je crois que les cantons doivent être libres de soutenir ou non. Mais soutenir une œuvre comme celle-là, ça me paraît tomber sous le sens.
D’autant plus que, ce n’est pas pour faire une caserne luxueuse. Ils sont dans des conditions extrêmement précaires. J’ai visité la caserne. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de jeunes, aujourd’hui, qui accepteraient de vivre deux ans dans un lieu comme la caserne pontificale. Vraiment.
Des citoyens ont lancé une pétition contre ce don du Canton. Ils réclament une votation cantonale pour ce soutien à hauteur d’un million de francs. Comprenez-vous ce geste ?
Puisqu’il s’agit d’argent, on peut parler d’argent : Que coûterait la mise en place d’une pétition et d’une votation ? Je pense bien plus d’un million donc il faut arrêter…
« Notre mission est de dire où est l’Évangile. Le reste, c’est de l’ordre de l’organisation de la société »
Comment voyez-vous l’avenir de l’Église valaisanne ?
Je reste confiant. Je ne parle pas de la stabilité permanente du système actuel car là, je n’en sais rien. Mais je trouve que l’histoire est garante aussi de l’avenir. Je parle là de l’histoire des rapports entre l’Église et l’État en Valais. C’est quand même très enraciné. Je dirais aussi : à condition que l’Église soit ce qu’elle doit être et qu’elle reste à sa place. Elle ne pas empiéter sur la gouvernance étatique.
C’est-à-dire ?
Je pense que l’Église a aussi eu des moments où elle a tellement mis la main sur la gouvernance, y compris étatique et au niveau des consciences, que ce n’est pas son rôle et ça lui rend un très mauvais service. Avant, on devait demander l’autorisation au curé pour faire quelque chose…
Mais notre mission est de dire où est l’Évangile, où est le Christ, et les faire connaître et aimer. C’est tout. Le reste c’est de l’ordre de l’organisation de la société, des sociétés politiques.
Donc, elle en faisait trop ?
Bien sûr ! Elle avait trop de pouvoir ! Je le redis, l’Église doit rester à sa place.