«La conception proposée de l’avenir prévoit d’élargir systématiquement le réseau des routes nationales à au moins 2×3 voies dans et entre les zones des métropoles et des grandes villes». Rendue publique le 6 janvier par la NZZ, cette phrase tirée d’un message du Conseil fédéral adressé au Parlement n’a pas manqué de faire réagir.
Si l’idée séduit la droite de l’échiquier politique, elle provoque la colère de la gauche et notamment des Verts qui la qualifie d’aberration. Représentant des milieux économiques, le conseiller national/VD PLR Frédéric Borloz répond aux critiques.
En voulant élargir les autoroutes, le Conseil fédéral ravive la guerre des transports entre la route et le rail, non?
Frédéric Borloz : Je crois surtout qu’il y a quelques politiciens un peu trop doctrinaires qui en profitent pour relancer la guerre des transports (sourire). Dans les faits, l’élargissement des autoroutes n’occupe que quelques lignes dans le message délivré par le Conseil fédéral. Il s’agit pour l’instant uniquement d’un énoncé mais la réflexion mérite d’être menée.
Pourquoi est-ce que l’élargissement des autoroutes serait une bonne solution selon vous ?
Je tiens à préciser que je milite pour un développement autoroutier en parallèle à celui du rail. Le développement de la mobilité ne peut se faire que de manière multiple. L’expansion des autoroutes pourrait être une bonne chose pour améliorer la sécurité et la fluidité du trafic pour ce que j’appelle la «mobilité professionnelle», qui regroupe le transport des marchandises et les déplacements de véhicules d’entreprise.
« LEs jeunes ont une réaction «naturellement positive» vis-à-vis des transports publics. »
Les autoroutes ont pour but de relier les grandes villes entre elles. Or, les lignes ferroviaires le font déjà. Ne devrait-on pas concentrer l’investissement sur le train?
Pour la mobilité relative au transport de marchandises et à celle des véhicules d’entreprises, le développement des infrastructures routières reste nécessaire. En revanche, je le concède, cela a moins de sens de le faire pour la «mobilité individuelle» qui comprend les déplacements pour le travail et les loisirs.
Selon les experts en mobilité, toute nouvelle infrastructure induit une nouvelle demande. Pire, certains usagers des transports publics pourraient décider de reprendre leur voiture…
Selon moi, c’est un raisonnement qui était vrai il y a une trentaine d’années. Aujourd’hui, les habitudes ont déjà changé avec les nouvelles générations. Les jeunes ont une réaction «naturellement positive» vis-à-vis des transports publics. Je ne pense pas que de nouvelles voies autoroutières favoriseraient une augmentation de l’utilisation de véhicules pour les mouvements individuels.
La proposition du Conseil fédéral surprend également par son aspect contradictoire avec les politiques menées actuellement sur le plan climatique et de la santé publique…
Oui, certainement… C’est dans l’ère du temps de dire que la voiture pollue. D’un autre côté, nous avons des voitures de plus en plus propres et qui consomment de moins en moins. L’automobile change et je ne pense pas qu’elle va disparaître. Pour moi, ce droit au déplacement individuel va rester.
« Je n’exclus pas l’arrivée de péages urbains en Suisse. »
Le covoiturage, le télétravail ou le décalage des horaires de travail, vous y croyez?
Le covoiturage est un effort salvateur, même si son impact sur la fréquentation des routes reste quand même assez faible. Le télétravail permet aussi d’économiser des trajets mais je le trouve peu compatible avec la hausse du travail à temps partiel. Lorsqu’il est possible, le décalage des horaires de travail est une bonne chose.
Finalement, ne faudrait-il pas prendre des mesures plus contraignantes pour régler les problèmes de mobilité? A quand un péage urbain en Suisse?
Il y a une forte résistance des milieux routiers à ce sujet. Cela dit, il faudra bien prendre des mesures, à un moment donné, si la situation ne s’améliore pas… Lesquelles?, je ne sais pas exactement. Je n’exclus pas l’arrivée de péages urbains en Suisse, notamment pour continuer à favoriser la «mobilité professionnelle» que j’évoquais en début d’entretien.
CFJM – Sébastien SCHORDERET