Jean-Philippe Lonfat : « personne ne s’attendait à une crise de cette ampleur… »

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Depuis le mois de mars 2020, le chef du service de l’enseignement du canton du Valais doit faire face au coronavirus. Au cœur de la seconde vague qui frappe la Suisse depuis une semaine, Jean-Philippe Lonfat se confie sur une année 2020 historique.

Jean-Philippe Lonfat, vous occupez depuis le 1er janvier 2017, le poste de chef de service de l’enseignement du canton du Valais, est-ce qu’au moment d’accepter ce poste, la gestion d’une pandémie faisait partie du cahier des charges ?

Il n’y a malheureusement pas la ligne « pandémie » dans le cahier des charges. Lorsque les premiers signes d’une crise sanitaire sont apparus,  la surprise était de taille. À part quelques cas de rougeoles dans un centre scolaire, nous n’avions aucun recul pour affronter une situation de cette ampleur.

Pour revenir au mois de mars, quelles ont été les premières réactions de votre service pour faire face à ce nouveau virus ?

Nous nous concertions déjà depuis un mois à vrai dire. La situation mondiale s’aggravait et fin février, les premiers cas ont été recensés en Suisse. Dans un premier temps, nous étions sereins et notre plan consistait à annoncer les cas puis rediriger les élèves concernés vers les centres de dépistages. Jusqu’au 10 mars, la situation était sous contrôle et la collaboration avec les différents centres scolaires se passait très bien. Mais le lundi suivant, six jours après, les écoles n’ont pas ouvert leurs portes.

« Nous avons été efficaces. Le plan établi était clair et précis. »

La fermeture des écoles, c’est le moment fort de cette crise, comment se sont déroulés les évènements ?

Tout est allé extrêmement vite. La veille du vendredi 13 mars, date des premières annonces du Conseil Fédéral, j’ai encore croisé mon supérieur au bureau (Christophe Darbellay, chef du Département de l’économie et de la formation). Il m’a dit que si je devais parler à la presse, le message devait être clair : les écoles resteraient ouvertes. Et puis tout s’est accéléré dans la nuit. Nous avons eu des contacts avec Alain Berset et la décision de fermer les établissements scolaires était prise. À partir de là, nous étions sur le pont jusqu’au dimanche, jour où nous avons transmis l’ensemble des directives aux établissements scolaires valaisans. Un week-end très intense mais nous avons été efficaces et le plan établi était clair et précis.

Une autre problématique à gérer à partir de ce moment-là, c’est les parents… comment ont-ils réagi ?

Par la stupéfaction. La fermeture des écoles a envoyé signal fort qui veut dire que la situation est passablement grave et qu’il va falloir prendre des précautions. On savait que l’école n’était pas un foyer intense, mais de la fermer, symboliquement, la résonnance était plus forte.

Il a fallu ensuite s’adapter à l’enseignement à distance, est-ce que la mise en place de cette nouvelle méthode s’est bien passée ?

La transition a été compliquée. Il faut dire que nous n’étions pas prêt techniquement pour assurer un tel enseignement. Mais en une semaine, nous avons réussi à mettre en place un outil de gestion de classe à distance et une plateforme d’échange de documents. Durant l’ensemble de cette période, nous avons enregistré 600’000 documents échangés via cette plateforme, un chiffre considérable. Notre volonté était surtout de faire de la consolidation des acquis, tout en conservant le lien indispensable qui lie l’élève à son professeur.

Toutes ces nouvelles méthodes, parfois technologiques, est-ce qu’elles ont été adaptées à la situation de chaque élève ?

Il est clair que dans une telle situation, la possibilité de satisfaire tout le monde est impossible. Néanmoins, ce n’est pas l’aspect technique qui a été problématique. La majorité des élèves était équipée et pour ceux dont le matériel manquait, certains établissements scolaires mettaient à disposition des ordinateurs ou des tablettes. La plus grande difficulté, c’était l’organisation des heures d’école. Dans certain foyer, l’unique ordinateur était grandement réquisitionné par les autres membres de la famille, il fallait trouver une solution. Nous avons donc supprimé les heures fixes des cours afin de favoriser l’utilisation des outils informatiques et limiter le temps de travail par jour à quatre heures. Tout n’a pas été parfait, mais il y a aussi des points positifs. Avec un programme essentiellement basé sur de la consolidation et un enseignement particulier, certains élèves en difficulté ont pu rattraper l’éventuel retard accumulé.

La reprise en mai, puis finalement les vacances scolaires… est-ce que la pause de cet été vous a été bénéfique pour la suite ?

Avant les vacances d’été, la reprise du mois de mai a été très importante. Ce retour en classe a permis de recréer le lien social, de poser les choses, et de faire retomber la pression. Ensuite durant les vacances scolaires, il a fallu préparer la prochaine rentrée. Sur le plan technique, le programme informatique « M365 » a été finalisé et déployé en août dernier dans l’ensemble des écoles valaisannes. Cette plateforme pédagogique, mise sur pied par le Centre de compétences ICT-VS, permet d’uniformiser les techniques d’enseignement sur tout le canton. Et puis, il a bien fallu prendre des vacances… après une telle période, c’était nécessaire.

Les risques vers un autre semi-confinement est réel aujourd’hui, mais l’école ne semble pas se diriger vers une nouvelle fermeture, néanmoins, quel est le réel défi pour votre service à ce jour ?

Le réel défi, c’est de gérer l’absentéisme des professeurs. De plus en plus de quarantaines sont prononcées, ce qui fragilise la situation. Nous devons procéder à de nombreux remplacements et la liste des candidats n’est pas infinie… nous nous focalisons surtout sur la prévention et le rappel des mesures sanitaires à tous nos enseignants, car même si peu de cas positifs sont déclarés, les mises en isolement sont en constante augmentation.

À titre personnel, Jean-Philippe Lonfat, quel enseignement tirez-vous de cette crise sanitaire, toujours en cours actuellement ?

Le premier mot qui me vient à l’esprit c’est « la flexibilité ». Les décisions que je prends aujourd’hui, concernent la situation du jour, mais il faudra potentiellement en prendre d’autres le lendemain. Autre exemple, lorsque le Conseil Fédéral s’exprime, nous prenons connaissances des mesures en même temps que tout le reste de la population, il faut donc être réactif. On apprend également beaucoup sur soi-même lorsque l’on traverse une crise telle que celle du Covid-19. Je me suis par exemple découvert des facultés de recul qui n’était pas nécessairement connue chez moi, notamment par rapport aux pressions médiatiques et politiques. Et puis on apprend énormément sur les gens avec qui on travaille. En temps de crise, les personnalités se dévoilent un peu plus que d’habitude. J’ai surtout été impressionné par le travail fourni par les enseignants, les directions ainsi que tous les cadres de ce service de l’enseignement. Un travail qui doit actuellement se poursuivre.

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