Antispécisme: Roxane Steiner, animalement vôtre

0
258

PORTRAIT – Sa vie est portée par la compassion et l’empathie. Sans violence également, mais par des actions coup de poing. Selon Roxane Steiner, les animaux méritent les mêmes droits qu’un humain. Portrait d’une activiste antispéciste engagée.

Le regard porté sur le monde, Roxane Steiner est motivée par un futur où animaux et humains sont égaux. Photo: Loïc Marchand

La nuit est déjà bien installée. Nous sommes le premier jour de l’an, dans une voiture, quelque part entre Barcelone et Neuchâtel.

Sur la banquette arrière, une femme. Sur ses genoux, deux porcelets, Billi et Charli, viennent enfin de s’endormir. Leur agitation était compréhensible: il y a encore quelques heures, ils étaient enfermés dans leur cage.

Désormais, ils sont libres. Roxane Steiner, accompagnée de deux amis, s’est infiltrée dans un élevage espagnol pour les emmener. «Nous avons agi à minuit», explique l’activiste antispéciste. «Nous savions que les paysans seraient occupés avec leurs coupes de champagne.»

''Les animaux aussi ont des sentiments. Eux aussi souffrent.'' Roxane Steiner, activiste antispéciste

Du Double Whopper à l’antispécisme

Pourquoi avoir agi ainsi? Parce que le cœur l’a dicté, rétorque la Neuchâteloise. «Ils vivaient dans des conditions atroces. Les uns bloqués contre les autres, parmi des cadavres de leurs semblables.» Tout ça pour des animaux? «Et alors?», nous regarde Roxane Steiner. «Quelle est la différence? Les animaux aussi ont des sentiments. Eux aussi souffrent. Comment peut-on tolérer que pareilles actions soient perpétrées?»

Difficile à croire que ce discours sorte de la bouche d’une femme qui, il y a encore sept ans, avait pour habitude d’y enfiler des «Double Whopper» en rentrant de soirée. Que s’est-il passé? Originaire d’Argentine, le pays où l’asado (barbecue, en français) s’approche d’une pratique religieuse, Roxane Steiner «s’est éveillée», dit-elle.

A lire aussi: Facile d’arrêter la viande, ou de réduire sa consommation? Ils témoignent.

Il a suffi de quinze minutes et d’une «grande claque dans la tronche». Précisément le temps d’une vidéo traitant de l’exploitation «des autres animaux» réalisée par l’activiste Seb Alex. «Je n’ai jamais autant pleuré de ma vie», se souvient la jeune femme.

L’héritage de Maurice Bavaud

Depuis, elle s’efforce de «ne pas mettre de la souffrance animalière» en elle ou sur elle. Les autocollants et les tracts «Go vegan» ont poussé comme des champignons dans son appartement. Mais lorsqu’on a du sang de Maurice Bavaud, un Neuchâtelois qui tenta d’assassiner Adolphe Hitler en 1938, qui coule dans ses veines, on ne peut pas rester les bras croisés.

Le révolutionnaire, exécuté le 14 mai 1941 en Allemagne, n’est autre que le cousin germain du grand-père paternel de Roxane Steiner. «Il a piqué tout le fond de caisse du commerce à ses parents pour rejoindre Berlin», expose-t- elle. «Ma grand-mère a trouvé son action égoïste envers sa famille. Mon grand-père, héroïque et profondément altruiste. L’avis de mon père? Il a opté pour le second camp.»

«Mon père m’a toujours encouragée à me battre contre les injustices», poursuit Roxane Steiner. Sa mère, Argentine, lui inculque des valeurs latines, basées sur la chaleur, la spontanéité et un certain «esprit rebelle».

''J’entretiens de bonnes relations avec le directeur de l’abattoir des Ponts-de-Martel.'' Roxane Steiner, activiste antispéciste

Au nom de Marie

Dans une Suisse où l’accent est mis sur l’importance des diplômes, Roxane Steiner n’en a guère. Elle qui a terminé son école obligatoire, mais qui n’est «pas certaine» de l’avoir réussie, a été professeure de tango argentin, de français, d’espagnol, designer de mode. Entre autres.

A lire aussi: Moins de viande dans l’assiette: un défi local

A peine majeure, Roxane Steiner vit une expérience qui la marque au fer-blanc: la mort de Marie Aeschlimann. Âgée de 19 ans, la jeune adulte, habitante de Peseux (NE), tombe sous les coups de couteau de son compagnon. «Marie était une amie d’enfance. Son esprit et son énergie n’ont jamais cessé de me suivre et de me nourrir depuis.»

Ce cocktail de culture et d’éducations la pousse à passer à l’action. Ses armes pour réveiller les consciences? La compassion et l’empathie. Le tout, saupoudré de désobéissance civile, seule solution «pour faire avancer les choses plus vite», selon Roxane Steiner.

Le 12 août 2019, 25 antispécistes, Roxane Steiner en tête (centre, avec le jeans bleu), se sont réunis à l’abattoir des Ponts-de-Martel pour une veillée. Photo: ArcInfo – David Marchon

Une pacifiste «coup de poing»

Elle ne compte plus les journées passées à distribuer des tracts et autres supports informatifs. Pareil pour les veillés, ces événements visant à filmer, photographier le traitement réservé aux animaux.

A lire aussi: Abattoir des Ponts-de-Martel: les antispécistes font face aux éleveurs

«J’entretiens de bonnes relations avec le directeur de l’abattoir des Ponts-de- Martel», glisse-t-elle. «Nos échanges sont très instructifs. J’ai notamment appris que les employés n’ont pas forcément le choix d’y travailler.»

Mais qui dit «pacifiste» n’exclut pas quelques actions «coup de poing». La Neuchâteloise s’est notamment retrouvée dans un commissariat londonien après avoir bloqué l’entrée du «Bilingsgate Fish Market», le marché de poisson le plus grand du Royaume-Uni, avec d’autres antispécistes. «Nous chantions des chants pacifiques, qui se voulaient inspirants», explique l’activiste.

''Cet élevage était certifié pour ses «poules élevées en plein air». Mais je vous assure qu’aucune poule dans ce hangar n’était ni placée ni élevée en plein air!'' Roxane Steiner, activiste antispéciste

Les véganes, ces super-héros

Et ces poules volées en Espagne à l’un des fournisseurs de «Mercadona», l’équivalent d’une grande surface tel que Coop ou Migros? «C’était un devoir moral de les libérer. Aucun être n’est propriété d’autrui», se défend Roxane Steiner. «Cet élevage était certifié pour ses «poules élevées en plein air». Mais je vous assure qu’aucune poule dans ce hangar n’était ni placée ni élevée en plein air!»

Pour Roxane Steiner, pas de doute: si la terre était végane, les médias ne parleraient plus de changement climatique à l’heure qu’il est. «On abat des hectares d’arbres en Amazonie pour les remplacer par des champs de soja, utiles pour nourrir des millions de têtes de bovins.»

A lire aussi: Ed Winters: « Un monde végane ne mettra pas les éleveurs à la rue. »

«Chaque kilo de viande consomme à lui seul près de 15 500 litres d’eau pour être produit», poursuit la Neuchâteloise. «Le mode de consommation de notre société détruit notre écosystème. Avec toutes les informations à disposition, je suis étonnée de voir l’aveuglement et le niveau de déni du plus gros pourcentage de l’humanité.»

A-t-elle un message pour ceux qui l’accusent d’assassiner les plantes? «J’ai de la compassion. J’ai été à leur place, un jour. Mais avez-vous déjà vu une salade crier ou se débattre? Et contrairement à cette dernière, un animal ne peut pas se reproduire tout seul. Qui dit accouplement, dit attachement et sentiment.»

Près de 15’000 francs pour le Canton de Neuchâtel

Et les deux porcelets dans tout cela? Billi et Charli ne sont plus de ce monde. Ils ont été euthanasiés quatre mois après leur arrivée en Suisse. Ils étaient porteurs du syndrome dysgénésique et respiratoire du porc. Une maladie épizootie éradiquée en Suisse. Si celle-ci n’est pas dangereuse pour l’homme, elle est hautement contagieuse et mortelle pour l’animal.

A lire aussi: Val-de-Ruz: les cochons malades ont été importés par un proche des milieux antispécistes

Ces agissements ont valu à Roxane Steiner un mandat de perquisition et d’être auditionnée en mai par le Service cantonal des affaires vétérinaires et la police judiciaire neuchâteloise. Début août, elle a reçu une lettre lui notifiant qu’elle avait violé l’article 232 «Propagation d’une épizootie» du Code pénal suisse.

Le canton de Neuchâtel lui demande, en outre, de s’acquitter des frais s’élevant à 14’648.85 francs. Lorsqu’on demande si cela l’inquiète, Roxane Steiner hausse les épaules. «Je suis en accord avec ce que j’ai fait. Ils peuvent me mettre le nombre d’amendes qu’ils veulent. J’ai à peine assez d’argent pour me nourrir et me loger…»

LAISSER UN COMMENTAIRE

Veuillez entrer votre commentaire!
Veuillez entrer votre nom ici


Notice: La fonction amp_has_paired_endpoint a été appelée de façon incorrecte. Function called while AMP is disabled via `amp_is_enabled` filter. The service ID "paired_routing" is not recognized and cannot be retrieved. Veuillez lire Débogage dans WordPress (en) pour plus d’informations. (Ce message a été ajouté à la version 2.1.1.) in /home/cfjmlemazl/www/wp-includes/functions.php on line 6078

Notice: La fonction amp_has_paired_endpoint a été appelée de façon incorrecte. Function called while AMP is disabled via `amp_is_enabled` filter. The service ID "paired_routing" is not recognized and cannot be retrieved. Veuillez lire Débogage dans WordPress (en) pour plus d’informations. (Ce message a été ajouté à la version 2.1.1.) in /home/cfjmlemazl/www/wp-includes/functions.php on line 6078

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.