L’huile de palme a mauvaise presse. En plus de concurrencer l’huile végétale indigène, sa production génère un désastre social et environnemental. En décembre dernier, le Parlement acceptait l’accord de partenariat économique avec l’Indonésie qui contribuera à assouplir la barrière douanière sur l’huile de palme. 

Fritz Glauser
“En politique, quand on peut trouver des compromis, on le fait. Il y a déjà assez d’enjeux pour lesquels nous devrons nous débattre.” AGRI

   Fritz Glauser, vous êtes président de la Fédération suisse des producteurs de céréales (FSPC), et, à ce titre, représentez la filière. Lors de la votation de décembre, seule la gauche s’est opposée à l’accord entre l’AELE et l’Indonésie?  L’agriculture aurait-elle changé de camp?

Non! La politique est un dialogue permanent. Une ligne rouge avait été fixée en amont par la filière suisse. L’accord ne la franchit pas. La défense professionnelle s’est donc rangée du côté du oui.

   Vraiment? Alors que l’Indonésie est l’un des plus grands producteurs d’huile de palme mondial et qu’elle concurrence la production d’huiles végétales indigènes?

Les conséquences de l’accord devraient être supportables pour la filière indigène. La baisse de la protection à la frontière est modérée et réservée seulement à des quantités limitées. De plus, pour que l’Indonésie puisse profiter de ces avantages, elle devra respecter des exigences de durabilité et de traçabilité. Un exemple: l’huile de palme devra être livrée dans des containers de capacité restreinte, scellés sur place (ndlr 22 tonnes), ceci afin d’éviter les mélanges dans d’improbables ports d’escale.

“Dans le futur, de prochains accords avec les Etats-Unis, la Russie ou l’Union EUROPÉENNE seront peut-être à négocier.”

   Vous parlez d’un standard de durabilité. Quels en sont les tenants? Comment le consommateur s’y retrouvera-t-il?

Je ne peux pas dire. Tout est encore en chantier. La Confédération délègue aux parties contractantes le devoir de créer un standard vérifié par un organisme de certification agréé. La FSPC est engagée aux côtés d’autres organisations agricoles, écologistes et de consommateurs, au sein de la Coalition suisse sur l’huile de palme. Les exigences du standard de certification de la Table ronde sur l’huile de palme durable (RSPO), seront probablement reprises (lire infos utiles).

   Les huiles de colza et de tournesol peuvent-elles vraiment remplacer l’huile de palme?

Dans le domaine alimentaire, du moins, oui.

   Aujourd’hui, la production suisse d’oléagineux peine à couvrir les besoins des trois principales huileries du pays. Est-ce utile, alors, de s’insurger contre des importations nécessaires ?

Oui, c’est vrai. En fait, nous avons été “victimes” du succès de la marque Swissness. En 2000, lors de la libéralisation du marché, nous produisions 40’000 tonnes (t) d’oléagineux. Aujourd’hui, nous parvenons à fournir 99’000 t de colza mais l’industrie en réclame 106’000 t. La différence est importée de pays européens, mais nous allons nous adapter. L’Europe, ce n’est pas le bout du monde!

Pour le tournesol, c’est un peu plus complexe. Contrairement à celle du colza, sa culture ne peut pas être implantée partout dans le pays. Nous couvrons actuellement 15% des besoins en Suisse. D’autres problèmes sont en cause. Nous devons créer des infrastructures de pressage supplémentaires, que nous souhaitons proches de la production, en Suisse romande.

   Dans les prochaines années, d’autres accords vont être conclus, notamment, dans un premier temps, avec la Malaisie. Le marché des huiles végétales sera donc progressivement mis sous tension?

Cette pression a déjà été pensée et incluse dans la ligne rouge que nous avons définie. Les quantités calculées tiennent compte de futurs accords. 

   Et qu’en est-il de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur?

Je suis plus inquiet. Les conditions de cet accord n’exigent pas des conditions liées au produit, comme dans le cas de l’huile de palme. Bien que les autorités le prétendent, et je me suis renseigné, notre branche n’a pas été consultée sur ce sujet.

Dans le cadre du marché des céréales, selon les chiffres pour l’instant publiés, la quantité négociée n’a pas été prélevée sur les 70’000 t céréales panifiables comprise dans le contingent d’importation (ndlr à un taux de douane préférentiel). Ce sont donc, toujours au conditionnel, 1’500 t supplémentaires qui feront pression sur la production indigène. Mais nous n’obtenons que peu d’informations sur ces négociations. 

   Franchement, en l’état actuel des choses, 1’500 tonnes, cela paraît dérisoire…

Oui, mais attention, il faut voir plus loin. De prochains accords avec les Etats-Unis, la Russie et l’Union Européenne arrivent derrière. C’est en regard de l’ensemble que c’est inquiétant, car les bases de l’accord avec le Mercosur pourraient être reprises.

   Pour conclure, l’agriculture, alors définitivement campée à droite?

Oui, nous sommes en principe soutenus par les partis bourgeois, mais il faudra voir ce qui se passe avec la nouvelle configuration du Parlement...

Il est intéressant d’observer le soutien de la gauche et des milieux écologistes sur certains dossiers, tels que l’huile de palme. L’agriculture suisse arrive donc également à convaincre au-delà de la droite. 

Propos recueillis par Martine Romanens, le 21 janvier 2020

Bulletin du marché des oléagineux en Suisse: https://www.blw.admin.ch/blw/fr/home/markt/marktbeobachtung/oelsaaten.html

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