Mathias Reynard: «Dans la lutte contre l’homophobie, le Valais devient un canton dont on peut s’inspirer»

0
277

ÉGALITÉ Le conseiller d’État valaisan en charge de la santé et des affaires sociales revient sur le plan d’action contre les discriminations de genre récemment mis en place par son canton. Et se félicite du changement de mentalité sur cette question.

Il est nécessaire de faire un travail de statistique, de prévention et de soutien pour aider les personnes victimes de discrimination sexuelle à se sentir totalement acceptées, selon Mathias Reynard. / Keystone-Etienne Bornet.

Le conservatisme réputé du Valais pourrait bientôt n’être plus qu’un simple cliché. En lançant le 11 janvier 2022 un plan d’action contre les discriminations touchant la communauté LGBT+, le canton est devenu un des pionniers du genre en Suisse. Une avancée significative qui porte la patte d’un homme: Mathias Reynard. Rencontre avec celui qui a fait de la lutte contre l’homophobie son cheval de guerre.

En quoi consiste ce plan ?

On va déjà se doter d’un poste de coordinateur à l’État du Valais. Cette personne s’occupera des questions concernant les discriminations des personnes LGBT. 130’000 francs seront en outre alloués à cette cause. On va également lancer une campagne au mois de mai pour les droits humains et le vivre ensemble, en insistant sur la formation et l’information dans les écoles, auprès des professionnels.

 Cette démarche répond à un besoin précis ?

Les personnes LGBT en Valais sont touchées par davantage de problèmes de santé, de santé psychique, de discriminations et de violences. Ce qui conduit inévitablement à plus de suicides. C’est un constat qu’on fait aussi hors de nos frontières.

Vous avez des chiffres ?

En Suisse, les jeunes LGBT ont 2 à 5 fois plus de chances de se suicider que les autres. Et l’immense majorité de ces personnes vous confirmeront avoir été au moins une fois victimes de discriminations. Cela ne veut pas dire que c’est un enfer toute la vie. Mais ces violences verbales et physiques existent. Que ce soit sur les lieux de travail, dans la rue, à domicile. Et les ressources et aides à disposition ne sont pas suffisantes. Ce plan d’action place le Valais comme un canton précurseur dans la lutte contre les discriminations basées sur l’orientation sexuelle.

Sur le même sujetLe Valais en pionnier de la lutte contre les discriminations à l’égard des personnes LGBTIQ+

Ce n’est pas forcément l’image qu’on a de ce canton pourtant…

C’est vrai, mais ça fait du bien de casser les codes. Le Valais est ouvert et progressiste, bien plus qu’à un certain moment… Quand je suis arrivé à la tête de mon département en 2021, j’ai demandé à mes équipes si elles étaient prêtes à s’engager pour un tel plan d’action. Je n’ai eu que des réponses enthousiasmées. Dans la lutte contre l’homophobie, le Valais devient un canton dont on peut s’inspirer.

Je suis très conservateur sur certains points. Je suis
attaché à notre terre, à notre patrimoine, nos traditions.

C’est une victoire de voir les regards sur le Valais changer ?

Oui. J’aime tellement mon canton, je suis très conservateur sur certains points. Je suis attaché à notre terre, à notre patrimoine, nos traditions. Je pense qu’on peut aimer tout ça et être ouvert en considérant que le racisme et l’homophobie n’ont pas leur place sur notre territoire, cantonal comme national.

Justement, les dernières avancées en ce sens ont toutes un dénominateur commun : vous. Il aura fallu votre arrivée pour voir les choses bouger ?

Je ne crois pas non, il faut avoir de l’humilité. Le changement de mentalité de ces dernières années au sein de la société a été impressionnant.

On constate cependant une augmentation de violences, de discriminations et d’appels à l’aide non ?

Oui. Mais cela parce qu’afficher sa relation amoureuse non hétérosexuelle en public est moins tabou. Quand c’est moins caché, cela devient plus un sujet de société, il y a des réactions. Ce qui est assez fou, puisque quand on donne les mêmes droits aux personnes homosexuelles qu’aux personnes hétérosexuelles, on n’enlève rien à ces dernières… Cela me montre à quel point il est important de mener ces combats.

Les changements de mentalité ont été beaucoup plus rapides
que le discours officiel politique majoritaire qu’on entendait
dans les années 2010 ne le laissait penser.

Mais en général la tolérance et l’acceptation sont élevées ?

Oui. Il suffit de voir les résultats des dernières votations sur le partenariat enregistré ou le mariage pour tous… Les changements de mentalité ont été beaucoup plus rapides que le discours politique officiel majoritaire qu’on entendait dans les années 2010 ne le laissait penser. Même si tout n’est pas parfait.

Quelle serait la situation parfaite alors ?

Qu’on n’ait plus besoin de parler des discriminations dont est victime cette communauté car il n’y en aurait plus. Que la personne qui est homosexuelle soit homosexuelle. Point. Et évidemment, que toutes les violences cessent. Cela demande la prévention, un travail statistique pour identifier et lutter contre ces violences.

Cette égalité est-elle réellement possible ?

Oui, mais il y a des progrès à faire. Mais aujourd’hui, vivre en Valais, en 2022, en étant une personne homosexuelle, par rapport à y vivre en 2002, ce n’est pas la même vie. En 20 ans, on a eu une évolution impressionnante et très positive. Il y du travail, mais on est en train de faire ces dernières années des pas de géant.

Un long combat qui n’est donc pas terminé. Vous êtes motivé à le mener encore longtemps ?

Oui. C’est une question de droits humains, de tolérance. C’est un combat que j’appelle logique, auquel j’ai été sensibilisé depuis longtemps. J’ai plusieurs amis qui ont vécu des coming out compliqués, de la discrimination, de l’homophobie. Et les victoires de ces dernières années me donnent de la motivation, tout comme les centaines de lettres poignantes que je reçois pour me remercier du travail accompli.

Vous auriez un exemple ?

Une maman de 80 ans m’a écrit que sa fille lesbienne était partie du Valais il y a quelques années à cause de l’homophobie qui y régnait. Mais les changements récents la poussent à espérer que sa fille reviendra. D’entendre ce genre de témoignage, c’est exceptionnel.

À lire aussiMathias Reynard: «La norme contre l’homophobie est l’aboutissement de sept ans de travail»

LAISSER UN COMMENTAIRE

Veuillez entrer votre commentaire!
Veuillez entrer votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.