«Les politiciens gardent une vision court-termiste sur le climat»

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CLIMAT, ACTIVISME. Alors que la loi sur le CO2 a été adoptée au Parlement le 25 septembre, les associations environnementalistes s’opposent sur la façon de réagir. Plusieurs sections de la Grève du Climat ont opté pour un référendum contre elle. Than*, membre d’Extinction Rebellion, explique pourquoi son mouvement préfère s’y opposer par des actions plus directes.

Manifestation d’Extinction Rebellion à Lausanne le 18 avril 2019. KEYSTONE/Adrien Perritaz

Comment se positionne Extinction Rebellion face à la loi sur le CO2?

Than — Extinction Rebellion est tout aussi critique que la Grève du Climat vis-à-vis de cette loi. Viser la fin des émissions nettes de CO2 en 2050, c’est parfaitement insuffisant par rapport à la crise climatique. A nouveau, il y a un fort décalage entre les connaissances scientifiques qui poussent à réagir rapidement et les mesures politiques prises. L’UDC, notamment, a fait blocage à un texte plus ambitieux mais sa politique est orientée vers ses propres intérêts et non vers ceux de la société.

De fait, nous soutenons la démarche de la Grève du Climat. Mais un référendum, cela ne va pas assez loin. Il faut frapper plus vite et plus fort.

Comment expliquez-vous cette situation?

Les politiciens sont conscients, pour la plupart, que le climat va mal et qu’il faut prendre des mesures. Mais ils gardent une vision court-termiste et finalement assez égoïste de ce qu’il faut faire. Ils ne pensent pas assez à ce que risque d’être la société dans 20, 30 ou 50 ans.

Au sein même de la société d’ailleurs, chacun garde encore trop une approche individualiste quand il pense au futur. Celui qui conduit un SUV en pleine ville de Lausanne ou de Genève, alors qu’il n’a clairement pas besoin d’un tel véhicule, pense d’abord à son confort personnel plutôt qu’aux effets de son comportement.

«Un trader qui croise la Grève du Climat en rentrant chez lui, ça ne l’affecte pas.»

D’autres mouvements, pourtant proches du vôtre comme l’Initiative pour les glaciers, défendent néanmoins cette loi. Comment interpréter ces divergences d’opinions?

Dans l’activisme écologique, les associations et les collectifs se rejoignent sur l’urgence de la crise climatique, l’importance d’agir et surtout le respect envers les autres collectifs car au fond nous défendons tous l’environnement. Mais il y a effectivement des différences entre certains d’entre nous. C’est par exemple le cas sur les limites et objectifs que l’on veut atteindre. De fait, pour les uns cette loi est une étape nécessaire, pour d’autres comme nous, elle n’est pas acceptable.

Les différents mouvements se distinguent également au niveau des modes d’action. La Grève du Climat a choisi de s’appuyer sur les institutions et le système politique en place. De notre côté, nous estimons qu’il faut au contraire passer par une refonte en profondeur du fonctionnement de la politique et de la démocratie en Suisse. Le système doit être remis en cause et pour cela, la désobéissance civile est l’action la plus adéquate.

A lire aussi: Loi sur le CO2: Pourquoi défendre une loi insuffisante.

Passer par un référendum n’est donc pas la bonne méthode?

Si on revient à la Grève du Climat, les politiciens ne l’écoutent que peu car elle ne les gêne pas. Or on vit dans une société dirigée par le profit. Dès qu’on touche à ce profit les oreilles se tendent. C’est pareil pour les milieux économiques. Un trader qui croise la Grève du Climat en rentrant chez lui, ça ne l’affecte pas. Par contre quand il lit dans Bloomberg que plusieurs grands groupes de fret pétrolier ont été bloqués, là cela l’impacte et peut même lui faire réaliser que son activité dégrade fortement le climat.

Prenons un autre exemple d’actualité, celui sur les multinationales responsables. Evidemment, celui-ci va également dans le sens de nos valeurs et de ce que nous défendons. Ceux qui le peuvent au sein d’Extinction Rebellion iront voter en sa faveur. Mais il y a un tel monde entre ce que se permettent certaines entreprises et ce qu’elles ne devraient plus pouvoir faire que ce référendum ne peut être une finalité en soi mais seulement une étape.

«Il ne faut pas réduire l’activisme écologique aux blocages.»

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La Grève du Climat a tout de même bloqué plusieurs jours la place fédérale à Berne en septembre dernier. On a vu  également se monter une Zone à Défendre à Eclépens pour lutter contre l’extension d’une cimenterie. La désobéissance civile et les blocages seraient les seules solutions qui restent aux militants écologistes?

Les blocages sont généralement frappants pour pousser les gens à se remettre en cause. Plus un évènement est marquant, plus on en parle. Et s’il a assez d’ampleur, il provoquera de débats.

Mais il ne faut pas réduire l’activisme écologique aux blocages. Nous ne bloquons pas pour bloquer mais pour défendre une cause importante. De fait, nous ne faisons pas que cela et nous nous donnons un rôle important de sensibilisation et d’information. Plusieurs membres d’Extinction Rebellion ont par exemple lancé le site etatdurgence.ch dans le but de centraliser les différentes connaissances scientifiques sur le changement climatique, ses causes et ses effets.

Vous envisagez d’autres options d’action?

Oui, mais je ne vous en dirais évidemment pas plus ici. Ce sont des discussions qui doivent pour le moment rester interne au mouvement. Tout ce que je peux ajouter c’est que toute action future continuera à suivre la déontologie et les valeurs du mouvement. Les actes d’écoterrorisme ou d’écosabotage par exemple n’entreront jamais dans nos options.

*Nom d’emprunt.


Bio express

Âgé de 29 ans, Than est diplômé de l’EPFL et enseignant de mathématique. Désireux de rester anonyme et de ne pas être reconnu, il ne donnera pas plus d’information sur lui.

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