Bruno Marmier: «Le défi maintenant, c’est que nos sympathisants s’engagent à tous les échelons»

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Bruno Marmier, le 20 octobre dernier / Source : RadioFR

POLITIQUE Au moment où les écologistes triomphent aux élections fédérales et leur ancienne conseillère d’Etat Marie Garnier est blanchie, le président des Verts fribourgeois, Bruno Marmier, analyse la situation et la portée des excellents résultats de son parti.

Votre parti rafle la mise et pourtant vous renoncez à briguer un nouveau mandat à la tête du parti cantonal…

Je suis entré au comité cantonal en 2011. J’ai participé à l’élection et la réélection de Marie Garnier ainsi qu’au doublement de notre députation au Grand Conseil. Dès 2016, avec ce que les médias ont nommé « l’affaire Garnier », il a fallu tenir la carte de la crédibilité du parti. Enfin, avec Gerhard Andrey, il y a eu l’apothéose d’un premier siège fribourgeois vert au Conseil national. C’était donc l’occasion de passer le témoin sans pour autant abandonner la politique. Je garde mes mandats de conseiller communal à Villars-sur-Glâne et de député au Grand Conseil.

Une décision mûrement réfléchie ?

J’y pensais depuis plusieurs mois. Huit ans au comité dont trois et demie à la présidence, c’est beaucoup d’énergie investie. Et puis c’est bien qu’il y ait de la variété, de se renouveler. Cela invite aussi d’autres personnes à s’engager.

Vous pensez que ça manque chez certains ? Le mandat de Christian Levrat a été remis en question…

Ce n’est pas tout à fait la même chose. Il est président du PS Suisse et on parle quand même du parlementaire le plus influent. Les dirigeants cantonaux de parti n’ont pas cette exposition mais ils sont sous pression pour faire tourner leurs sections. Et la sollicitation médiatique est bien là.

Les sondages prédisaient une poussée des Verts suisses. Vous attendiez-vous pour autant à une telle avancée fribourgeoise ?

Non, je croyais faire 9,5 à 10%. La vague verte était donnée à 13% en Suisse romande. Je suis content de m’être trompé.

Une surprise que vous expliquez comment ?

Je crois que les gens ne veulent plus se voiler la face. C’est en train de changer, notamment grâce aux jeunes. Avant, le Parlement fédéral avait l’air de dire « circulez, il n’y a rien à voir ». On a vu que la population n’était pas de cet avis.

Ce n’était pourtant pas joué d’avance. Fribourg n’est pas tant connu pour sa fibre écologiste.

Avec un score de 12,5% dans le canton, on n’est pas très loin de la moyenne nationale et de ses 13,5%. Ces dernières années, nous nous sommes construits une crédibilité qui nous a permis de rattraper notre retard sur d’autres cantons. Les Verts fribourgeois n’ont pas à rougir de leur parcours – sans jeu de mots (sourire).

«Les Verts fribourgeois n’ont pas à rougir de leur parcours – sans jeu de mots»

La progression des Verts (PES) et des Vert’libéraux (PVL) au soir du 20 octobre est flagrante / Source: OFS – statistiques des élections, © OFS 2019

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Votre section cantonale talonne désormais le PDC. Au niveau national il est même passé devant. Une très bonne progression donc… mais tout reste à faire…

Oui c’est vrai. A Fribourg, c’est encore très difficile pour certains d’admettre qu’il faut des pistes cyclables et plus de mobilité douce. On dit de nous qu’on veut mettre en place de nouvelles taxes mais ce n’est pas vrai. Lorsque nous proposons des solutions attractives, personne ne veut investir.

Et le canton dans tout ça ? Comment peut-il jouer un rôle exemplaire vers la transition écologique ?

Il a une chance qu’il n’utilise pas, c’est le Groupe E. Cette entreprise d’Etat est l’un des piliers de l’économie fribourgeoise. Il y a là un potentiel d’optimisation, notamment dans la production d’énergie solaire. Mais pour l’exploiter efficacement, il faut une volonté politique.

Fribourg doit beaucoup à ses hautes écoles. Encourager le développement de certaines filières d’études, ce serait un moyen d’y parvenir ?

On vit dans une « République de comptables » où on taxe d’un côté pour donner de l’autre. Pour moi, avant de taxer, on doit investir. Notre milieu de vie est menacé et il faut faire un effort. Si dans 150 ans la planète n’est plus vivable, ça nous fera une belle jambe de respecter le frein à l’endettement.

«Si dans 150 ans la planète n’est plus vivable, ça nous fera une belle jambe de respecter le frein à l’endettement»

Quelles stratégies votre section doit-elle mettre en place pour conserver son nouveau statut ?

Aux fédérales, nous avions de très bonnes listes, de très bons candidats et une crédibilité. Pour transformer ce score aux niveaux cantonaux et communaux, il faut continuer sur cette lancée. Le défi maintenant, c’est que nos sympathisants s’engagent à tous les échelons. Il faut prendre la balle au bond et avoir plus d’élus verts dans les communes. Les gens doivent avoir des relais proches d’eux pour que toute la chaîne fonctionne.

Le risque c’est aussi que les autres partis phagocytent vos idées. On peut penser à l’UDC Pierre-André Page qui, à contre-courant de son parti, a soutenu qu’il fallait se soucier du climat. Il a été réélu mais pas Jean-François Rime.

Quand le parti s’est créé, certains disaient que tant que les autres ne feront pas dans l’environnement, les Verts existeront. Mais voilà, les autres partis n’ont rien fait et les Verts existent plus que jamais. Après tant mieux si je peux rester à la maison pour me reposer, tant mieux si les autres agissent, ça nous évitera de devoir sauver le monde (rire).

Cette année on a beaucoup parlé de changement climatique, de Greta Thunberg… dans quatre ans vous ne croyez pas que les gens penseront à autre chose que l’environnement ?

Ou peut-être que les conséquences du changement climatiques seront encore plus visibles et qu’on sera même le premier parti de Suisse (sourire) ! C’est comme un paquebot : ce n’est pas en prenant quelques décisions l’année prochaine que ça va changer directement du tout au tout. Si les gens sont convaincus qu’il faut agir, le thème sera toujours bien présent. /jv

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