De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer les hausses de primes maladie malgré la stagnation des coûts de la santé. Pour le conseiller national PLR Olivier Feller, comprendre comment les tarifs sont fixés relève de l’impossible.
Le 31 mai 2018, les conseillers nationaux Olivier Feller (PLR) et Adèle Thorens (les Verts) chargent le Conseil fédéral de confier l’élaboration des statistiques des coûts de la santé à un organisme indépendant, et non plus aux assureurs. La motion est acceptée: les chambres sont chargées d’examiner ce projet. Mais le libéral-radical remet la compresse. Le 24 septembre 2020 il s’en prend directement aux modalités de calcul des primes maladie, et réclame du gouvernement qu’elles soient rendues publiques.
Vous affirmez que le système de fixation des primes n’est pas transparent. Quel est le problème?
Les modalités et les hypothèses de calcul des assureurs pour fixer le montant des primes ne sont tout simplement pas connues! On ne sait pas sur quelle base l’OFSP les valide. Les éléments pris en compte dans le tarif sont-ils économiques, politiques, autres? On peine à comprendre ce qui justifie de telles fluctuations entre cantons.
En 2018, vous vous en êtes pris directement aux statistiques sur lesquelles se base l’OFSP pour établir lemonitoring officiel des coûts de la santé. Elles aussi sont sujettes à caution?
Elles sont problématiques. La plupart des statistiques sur lesquelles s’appuie L’OFSP pour piloter le système de santé sont mises en forme et fournies à la Confédération par la société SASIS SA. Or, cette entreprise est une filiale de la faîtière des assurances Santésuisse. Ces données proviennent directement des assureurs, elles ne sont pas neutres.
Faut-il pour autant les remettre en cause? Les assureurs ne semblent-ils pas les mieux placés pour connaître les coûts?
Je ne prétends pas que ces données sont falsifiées ou tronquées. Mais on peut les présenter d’une certaine manière suivant de quel côté on se trouve. Si elles sont fournies majoritairement par un seul des acteurs du système de la santé, c’est problématique. Cela peut créer de la méfiance au sein de la population.
Certaines voix se montrent moins nuancées: le gouvernement jurassien conteste purement et simplement la hausse pour 2021. Et la Société vaudoise de médecine n’hésite pas à parler de «primes basées sur des prévisions erronées depuis plusieurs années»…
Le débat politique est en effet compliqué si on n’a pas des hypothèses de base et un socle de données clairement cadrés. S’agissant par exemple des modalités de calcul des primes, nous ne savons même pas si la Confédération les connaît. Si oui, alors pourquoi ne pas les rendre publiques? Et si non, pourquoi ne pas les exiger des assureurs? J’ai tendance à penser que l’OFSP ne dispose pas de toutes les informations, mais je n’en ai pas la preuve.
Les honoraires de SASIS SA relèvent du secret d’État Olivier Feller, conseiller national
N’est pas une façon de demander à la Confédération de prendre le contrôle, par exemple en fixant elle-même la prime?
Je ne demande pas que l’OFSP fasse les calculs à la place des assureurs, qui restent des entreprises privées. Mais il faut qu’ils se mettent d’accord sur les modalités de travail et que ces modalités soient connues. Et autre volet: pour mieux réfléchir au système de santé et mieux le piloter il faut disposer de données fiables qui ne suscitent pas de doute quant à leur origine.
Vous souhaitez d’ailleurs que la tâche d’établir des statistiques dans le domaine de la santé soit confiée à un organisme indépendant. Et vous proposez l’office fédéral de la statistique, un organe étatique. Mais est-ce que ça ne coûterait pas trop cher au contribuable?
Non. Le système de santé est une des préoccupations majeures de la population. De toute façon, ll y a un déjà coût puisque SASIS SA est rémunérée par le contribuable pour fournir ses données à la Confédération. Et on n’arrive d’ailleurs pas à connaître ces honoraires, qui relèvent du secret d’État. Je l’affirme d’ailleurs, c’est un secret d’État!
Pourquoi accepter ce secret? La loi sur la transparence ne garantit-elle pas à tout citoyen le pouvoir d’exiger de la Confédération qu’elle révèle où elle investit l’argent public?
Si la voie parlementaire ne suffit pas il faudra en effet penser à passer par la loi sur la transparence. Autre piste: je suis membre de la Commission des finances. On posera la question lorsqu’on examinera le budget de l’OFSP. Et si on n’a pas la réponse, on pourrait évaluer nous-même ce montant et l’enlever de son budget. On devrait parfois avoir l’audace d’oser affirmer notre force parlementaire vis à vis de l’exécutif et de l’administration.
Les cantons constituent un contre-pouvoir qui peut gêner des intérêts politico-économiques Olivier Feller, conseiller national
Mais votre préoccupation ne semble pas partagée par les parlementaires alémaniques. Pourquoi?
Il y a une ambiance plus critique envers les assurances maladie en Suisse romande. Est-ce lié au fait que ce sont surtout les romands qui ont payé des primes surfaites? C’est une possibilité.
C’est vrai que certains cantons, dont Vaud, avaient pu obtenir des correctifs. Mais depuis 2016, les cantons ne peuvent plus se prononcer directement sur le tarif des primes qui les concernent et n’ont plus accès à la comptabilité des assureurs. Est-ce la sanction d’avoir été trop curieux?
Les cantons constituent un contre-pouvoir qui peut gêner des intérêts politico-économiques. Au point que certaines conventions sont assorties d’une clause de confidentialité. Quand on est au pouvoir, on cherche à réduire ou encadrer le contre-pouvoir. C’est une situation assez classique.
Olivier Feller en cinq dates clés
Depuis 2020: Président de la Commission des finances du Conseil national
Depuis 2011: conseiller national 1998-2001: député au Grand Conseil vaudois
1998-2001: député au Grand conseil vaudois
1997-2000: Président du conseil communal de Genolier