Olivia Bornand, à l’entrée du “lieu de répit humanitaire”, sis dans les anciens locaux de la brocante du Centre Social Protestant, à Plan-les-Ouates. – ©Jessica Da Silva Villacastin

Inauguré il y a six mois à Plan-les-Ouates, le “lieu de répit humanitaire” ne bénéficie toujours pas d’un financement pérenne. La coordinatrice du lieu, Olivia Bornand, se montre confiante, sans cacher sa lassitude. Interview.

Juillet 2022, le Collectif d’associations pour l’urgence socialE (CausE) inaugurait le “lieu de répit humanitaire” (LRH), dernier-né des centres d’hébergement d’urgence à Genève. L’Association des communes genevoises avait alors débloqué, un soutien financier, dans l’urgence, pour une durée de six mois. Le financement a récemment été prolongé jusqu’au mois d’avril 2023, mais l’équipe et les bénéficiaires sont aujourd’hui dans l’incertitude. Malgré la Loi sur l’aide aux personnes sans abri (LAPSA), adoptée par le Grand Conseil genevois en septembre 2021, son règlement d’application tarde à aboutir et les structures d’urgence peinent à se projeter.
L’Association des communes genevoises a finalement prolongé le financement du “lieu de répit humanitaire” jusqu’à la fin du mois d’avril, alors que vous disposez des locaux jusqu’à la fin de l’année. Ça commence pas à devenir fatigant ?
Oui, je pense qu’on peut dire que ça devient fatigant. En même temps, dans l’associatif et dans le domaine de l’hébergement d’urgence, on est habitués aux projets ponctuels, ou en lien avec la période hivernale. Moi, par exemple, en dix ans, je n’ai eu qu’un seul CDI! Mais il faut être flexible et assez optimiste, avec les années on se rend compte qu’on finit souvent par obtenir des budgets en plus et des subventions extraordinaires. C’est toujours un peu perturbant de se dire qu’on est complet, parce que ça veut dire qu’il y a des gens qui ne vont pas bien. Moi, je rêve du jour où on sera vide. 
Votre structure peut accueillir 45 hommes pour un maximum de 60 jours. C’est une formule inédite en matière d’hébergement d’urgence. Qu’est-ce qui peut se passer en deux mois ? 
On a 45 messieurs… Je pense qu’on a 45 profils différents. L’idée, c’est de faire un diagnostic en deux mois. On a trois axes. Il y a d’abord, comme ici, au LRH, l’hébergement humanitaire, avec une accessibilité pour tous, donc sans critères d’admission. Ensuite, on a la phase d’hébergement d’urgence en hôtel, 24 heures sur 24, où un entretien d’évaluation est fait pour une potentielle admission. Et ensuite, on a une troisième phase de stabilisation avec les appartements relais. 
Trois mètres carrés à soi. Les 38 boxs individuels du “lieu de répit humanitaire” garantissent l’intimité des bénéficiaires. C’est l’une des plus-values de l’offre du LRH. – ©Jessica Da Silva Villacastin
En moyenne, ces hommes restent combien de temps ? 
On a pas calculé statistiquement les durées de séjour. Là, depuis qu’il fait plus froid, elles augmentent et se rapprochent du 60 nuits. C’est vrai que cet été, avec les conditions climatiques, les soirées, les festivals, il y a quand même pas mal de messieurs qui ne rentraient pas et donc leur séjour s’arrêtait. 
Justement, parce que c’est un hébergement d’urgence… 
Voilà, c’est ça. On leur dit, vous avez 60 nuits ici, par contre, si vous découchez, automatiquement, la place est perdue. Après, si quelqu’un, à sa 30ème nuit, est transféré au City Hostel, une de nos structures, son séjour chez nous s’arrête. Donc, c’est une donnée qui va faire baisser nos chiffres, mais en même temps, c’est pour une bonne raison!
Dans une interview récente (TdG, 16.01.23), votre directrice, Aude Bumbacher a affirmé que vous deviez refuser chaque jour près de 40 personnes. Il faut donc deux fois plus de place pour répondre à la réalité du terrain? 
Oui, clairement. Mais ce chiffre est peut-être sous-évalué. Ils appellent chez nous, ils appellent à l’abri PC de Richemont, la hotline de la Ville de Genève, le Passage de l’Armée du Salut… Donc, ils multiplient les essais. Il y en a qui rappellent plusieurs jours d’affilée, et quand enfin, ils arrivent ici, ils nous disent que ça fait deux semaines qu’ils appellent  tous les jours. 

« Le local qu’on a ici est assez idéal et idyllique »

Selon l’article 5 de la Loi sur l’aide aux personnes sans abri, ce sont les communes qui sont “prioritairement responsables de la mise à disposition de locaux ou de terrains pour accueillir les dispositifs”. En mai 2022, le CausE a envoyé, dans ce sens, un courrier aux communes. Des retours, depuis ?
Certaines communes ont répondu en disant ne pas avoir de locaux à mettre à disposition, et d’autres n’ont pas répondu du tout. C’est lent… Le local qu’on a ici est assez idéal et idyllique. Je suis pas sûre qu’on retrouvera quelque chose qui nous donne autant d’espace pour faire quelque chose d’aussi bien en termes de qualité. Ce serait intéressant que les conseillers administratifs viennent voir, pour qu’ils imaginent un peu mieux ce qu’on peut avoir besoin comme locaux. 
Cette loi prévoit également la création d’une plateforme de coordination pour identifier les besoins et définir une stratégie d’action. Le CausE en fera partie ?
Non, parce que la loi précise aussi que cette plateforme n’inclut pas les associations. Par contre, elle peut les solliciter pour des consultations sur des sujets spécifiques. Mais pour l’instant, les associations ont été quand même peu sollicitées et consultées…  Les discussions se passent beaucoup à l’interne des communes, avec la Ville de Genève comme référente. C’est un peu frustrant pour les associations. 

« Plus il y a de citoyens sensibilisés à la thématique du sans-abrisme, plus il peut y avoir du soutien, de l’empathie et de la solidarité. »

Grâce à la collecte solidaire de la Thune du cœur, vous pouvez offrir des repas le soir. C’est pas décevant de devoir compléter une aide d’urgence avec la solidarité des gens ?
C’est intéressant de multiplier les sources de financement. On ne peut pas dépendre que des décisions politiques. Ici, on a installé un lieu de répit humanitaire dans une zone où il y a des villas, des garagistes et avant il y avait une brocante. On a fait une séance d’information, parce que plus il y a de citoyens sensibilisés à la thématique du sans-abrisme, plus il peut y avoir du soutien, de l’empathie et de la solidarité. 
Genève n’a toujours pas une politique publique durable en matière de lutte contre le sans-abrisme. Vrai ou faux ?
C’est vrai, mais on est en phase d’amélioration, on a quand même un premier socle avec la LAPSA. Maintenant, il faut que les communes arrivent à se mettre d’accord sur concrètement comment ça va se passer. De cette loi, vont découler des projets et des prestations, dont le financement, a priori à terme, va être pensé sur 12 mois, et donc de manière pérenne. 
Jessica Da Silva Villacastin
CFJM, Janvier 2023



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