« Dès qu’il s’agit de parler de la crise environnementale, c’est le jour…Pourtant, il y a le fonctionnement de la nuit : c’est un peu la grande oubliée. »

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SCIENCE De « la Nuit est Belle » à la « noctilogie », Pascal Moeschler secoue nos habitudes et éveille les consciences politiques.


PASCAL MOESCHLER – Biologiste / Ex-conservateur au Muséum d’Histoire naturelle de Genève (©droits réservés – RTS/MHN)

Pascal Moeschler, depuis toujours, tous vos centres d’intérêts tournent autour d’un univers commun : la nuit. Vous étudiez les chiroptères (les chauves-souris), vous jouez du violon le soir dans les bars, vous créez les évènements « La Nuit est Belle » et inventez la science de la « Noctilogie »…Alors tout d’abord, pourquoi s’intéresser à la nuit ?



Moi j’aime bien m’intéresser à des domaines peu étudiés ou sous estimés.
Alors ce n’est pas rien la nuit ! C’est la moitié de ce qu’est la Terre… Nous connaissons des tas de choses sur le jour. Dès qu’il s’agit de parler de la crise environnementale, des écosystèmes, c’est le jour, le jour, le jour…Et pourtant, il y a le fonctionnement de la nuit : c’est un peu la grande oubliée. Il faut commencer à réfléchir plus intellectuellement, philosophiquement, à la problématique de la nuit, des nuisances, de la pollution lumineuse.

Nous ne sommes donc non pas devant une page blanche mais plutôt devant une page noire…



C’est ça ! Il y a tout à faire. Mais bon, on avance tout de même. Un mouvement général se créé au niveau mondial. Une sorte de prise de conscience arrive progressivement…Il faut faire des conférences, prendre son bâton de pellerin, aller écouter les gens. « La philo » c’est un de mes dadas et je pense qu’il faut se poser la question : si on a un problème d’ environnement, est-ce qu’il faut réfléchir qu’avec ce problème précis ou l’inscrire dans un ensemble ? Avec la nuit tout le monde parle de pollution lumineuse, de l’effet des lumières artificielles…

Depuis quand parle-t-on de pollution lumineuse ?

C’est quelque chose de très vieux. Je dirais début du XXème siècle. Les ornithologues disent depuis longtemps que les éclairages trompent les oiseaux, qu’il y a des tas de mortalités. Les astronomes se plaignent de ne plus pouvoir observer les étoiles depuis les villes, ils doivent aller aux sommets des montagnes. La lumière perturbe notre rythme du sommeil…On passe de nuisance lumineuse à la pollution lumineuse dès lors que la vie et ses écosystèmes sont mis en danger… Même la fiction se sert de cette thématique, dans « Les Oiseaux » d’Alfred Hitchcock, les animaux sont attirés par un point lumineux et deviennent fous : c’est de la pollution lumineuse…Donc en fait, les gens avec leurs problématiques propres, mettent le doigt sur ce même problème.

En 2019 vous créé l’évènement « La Nuit est Belle » pour éveiller les consciences à l’accélération du problème mondial de la pollution lumineuse…

Exactement, l’éveil des consciences se fait de façon très positive. C’est un projet rassembleur.

De quoi s’agit-il exactement ?



« La Nuit est Belle », c’est éteindre toutes les lumières d’une ville pendant toute une nuit. Le projet a très bien marché en 2019, encore mieux en 2020. La ville devient autre. Les voitures roulent plus lentement, il y a moins de bruit. On économise de l’énergie…Il y a des communes genevoises et de France voisine (comme Archamp) qui dorénavant éteignent systématiquement leurs lumières de onze heure du soir à six heure du matin. Le concept s’est même exporté à Lyon et la ville le pratique chaque année. 

La classe politique a donc bien accueillie « la Nuit est Belle »…

C’est peu dire ! Aujourd’hui on fait une « Nuit est Belle » vous avez tous les politiques, Antonio Hodgers qui va dans ce sens, les acteurs franco-suisses…Vous avez vraie une mobilisation. Le problème de la pollution lumineuse a un gros avantage : si vous agissez vous avez un résultat immédiat. C’est du concret. En éteignant toutes les lumières d’une commune on peut se rendre compte de l’avant-après, on a une démonstration explicite. C’est un projet politique que l’on peut faire harmonieusement avec la population.

Comment êtes-vous passé de « la Nuit est Belle » à la noctilogie ?



On ne peut pas aborder, dans une société intelligente, un problème global qu’avec ce problème strict, précis, qui est par exemple la pollution lumineuse. Derrière ces questionnements très techniques, on se rend compte qu’il y a tout un rapport à la nuit. De la philosophie, l’éducation, l’urbanisme de demain, l’architecture, les sciences humaines, des tas de questions : c’est quoi la nuit ? C’est quoi le ciel étoilé ? On a donc rassemblé tous ces domaines et toutes ces questions à travers un nouveau mot : noctilogie.
La noctilogie est donc une discipline transdisciplinaire. 
On propose aux gens de mettre dans les mots clefs de leurs articles « noctilogie » lorsque qu’ils abordent un sujet ou une problématique en rapport avec la nuit.

« La Nuit est Belle » , « la noctilogie », que vont faire les politiques de tout ça ?



L’expérience va se poursuivre. « La nuit est belle », l’extinction des lumière, ça c’est de la politique. Mais ce sont les académiques qui vont devoir faire évoluer les choses, s’emparer du sujet pour que les politiques y aient encore mieux accès. 
Inscrire la notion de noctilogie dans les manuels scolaires par exemple. En Suisse, il y aurait moyen au niveau de l’école enfantine d’innover en parlant de la nuit et de la noctilogie avec des petits cours spéciaux , donc dès la petite enfance. Il y a de beaux défis à relever.

« une belle nuit c’est le fait de pouvoir utiliser cette matière qu’est le noir, correctement. »


Êtes-vous noctambule ? Ou bien la nuit n’est peut-être que votre thématique de travail…

Je ne suis pas vraiment un oiseau de nuit, je suis actif le jour même si je suis un couche tard…J’aime beaucoup la culture de nuit, c’est vrai. Je joue de la musique le soir mais je n’ai pas un rapport spécial avec la nuit. Je m’intéresse plutôt à la nuit dans sa dimension philosophique et scientifique. Mais je ne suis que peu actif la nuit…

La journée s’achève… Je vous souhaiterais volontiers de passer une « belle nuit ». Quelle serait-elle pour vous, dans l’idéal, cette « belle nuit » ?



(rires) D’avoir droit de me coucher dans le vrai noir ! Le noir complet.
Sans lampadaire. On sait que quand on ferme les paupières, les rayons lumineux passent quand même. Donc une belle nuit c’est le fait de pouvoir utiliser cette matière qu’est le noir, correctement.

Propos recueillis  par Witold Langlois – le 3 novembre 2021

Pascal Moeschler en quelques repères…

3 septembre 1956 : Naissance à Tavannes (JURA)
Premier coup coeur pour « la nuit » : Durant l’enfance , Les jeux d’extérieur
avec les copains au crépuscule à Porrentruy

Animal nocturne préféré : la chauve-souris

Décembre 1988 : Arrivée au Muséum d’Histoire Naturelle de Genève 

Septembre 2019 : Première « Nuit est belle »

Novembre 2019 : Invention de la Noctilogie aux côtés de l’astronome Eric Achkar

1er février 2021: Retraite professionnelle



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