POLITIQUE Il l’avait annoncé en 2019 déjà, Daniel Brélaz cèdera son siège au Conseil national le 3 mars 2022. Concernant son avenir, le Vert vaudois, qui avait annoncé sa potentielle candidature au Grand Conseil, a pris note des réticences de certains membres de son parti.
Après plus de 20 ans en tout au Conseil national, vous vous apprêtez à le quitter. Comment vous sentez- vous ?
J’ai passé 20 ans au Conseil national, mais au total, des mandats électifs, j’en ai eu pendant 44 ans. Alors j’ai eu le temps de me préparer au fait qu’un jour je partirais. Mais je suis quand même un peu nostalgique. Et en même temps, je me sens en partie libéré parce que, même si je suis encore en pleine forme intellectuellement, l’âge me rattrape. Donc ça veut dire qu’à la fin d’une session, je suis plus fatigué que je l’étais il y a quelques années. C’est encore supportable, mais il est temps de passer à autre chose.
C’est-à-dire ?
La décision n’est pas encore prise à 100%, mais l’autre chose ne sera très vraisemblablement pas le Grand Conseil vaudois. Une partie de la base ne serait pas très heureuse que je me présente donc ça pourrait avoir des effets négatifs sur le parti et j’ai toujours privilégié les Verts de ce point de vue-là. Et mon utilité de locomotive électorale commence à diminuer quand même. Donc je vais prendre un rôle qui sera plutôt celui de conseiller stratégique et de dossiers.
Pour moi, la seule chose qui compte, c’est de ne pas avoir honte lorsque je me regarde dans un miroir. Et je crois que je n’ai pas de raison d’avoir honte.
Lorsque vous repensez à toutes ces années, quels sont les accomplissements dont vous êtes le plus fier ?
Au niveau local, c’est le métro M2 de Lausanne et le fait qu’il y aura un jour un M3, avec du retard, comme toujours dans ce pays, qui est l’un des plus lents au monde en matière de procédures.
Et au niveau national ?
Au niveau national, je prends acte que dans ma vie politique, deux choses qui étaient décrites à l’époque comme impossibles ont été actées : la sortie du nucléaire et la sortie des énergies fossiles.
Quel héritage souhaitez-vous laisser à votre parti ?
Celui qu’il aura bien envie de reconnaître, parce qu’un certain nombre de jeunes pensent qu’il n’y en a pas et qu’ils savent tout. Mais ça a été la même chose à toutes les époques. Ce n’est pas un reproche, c’est un constat.
Pour moi, la seule chose qui compte, c’est de ne pas avoir honte lorsque je me regarde dans un miroir. Et je crois que je n’ai honnêtement pas de raison d’avoir honte. L’important pour moi, ce n’est pas qu’éventuellement dans quelques années il y ait une place quelque part avec mon nom. La seule chose qui compte, c’est que j’ai l’impression d’avoir fait progresser les choses pour cette collectivité, voire pour le pays et un tout petit peu pour le monde.
Que pensez-vous justement de cette nouvelle génération de Verts ?
Les jeunes sont beaucoup plus politisés qu’il y a 20 ans et c’est une bonne chose. Mais c’est évident que, devant vivre encore 60 ou 70 ans en voyant toutes sortes de dangers s’accumuler, ils ont tendance à être un peu plus radicaux dans leurs revendications. D’une manière générale, je suis très content que les jeunes soient plus engagés. De temps en temps je me dis « s’ils décident ça, ils vont se casser la figure », mais ça fait partie de l’expérience.
Lors des élections fédérales de 2019, on avait parlé de « vague verte ». La tendance est-elle passée ?
Pas du tout ! On verra dimanche à Fribourg, mais les derniers sondages montrent un résultat équivalent à 2019. Pour le moment, dans toutes les élections que j’ai vues, les Verts, lorsqu’ils ont des listes à peu près étoffées, sont dans les clous de 2019, voire au-delà.
Il y a une prise de conscience que l’on va droit dans le mur. Le problème c’est que la plupart des gens aimeraient freiner à un centimètre du mur.
Pensez-vous que les gens sont plus sensibles aux questions écologiques maintenant qu’il y a quelques années ?
Qu’il y a 10 ou 20 ans, sans aucun doute. Qu’il y a deux ans, c’est plus compliqué, parce que certains fronts se radicalisent. C’est une minorité, mais il y a quand même presque 30% de la population suisse qui est très réticente aux mesures énergétiques et climatiques. Et ceux qui y sont favorables sont parfois très chatouilleux des pieds. C’est-à-dire qu’ils sont pour des mesures climatiques, tant que ça ne les touche pas vraiment.
Il y a quand même une prise de conscience générale que l’on va droit dans le mur. Le problème c’est que la plupart des gens aimeraient freiner à un centimètre du mur, ce qui n’est pas possible. Alors d’un côté c’est rassurant, parce qu’il y a une prise de conscience, mais de l’autre c’est inquiétant parce qu’elle est un peu tardive.
Que souhaitez-vous encore accomplir avant votre départ de la vie politique ?
Plus grand-chose, parce que mars n’est pas loin et le rythme fédéral est très lent. Je veux encore faire passer un train de mesures en décembre et puis je vais assurer le suivi avec mes collègues et préparer un siège bien chauffé pour mon successeur Raphaël Mahaim.
Mais ça ne veut pas dire que je ne ferai rien après. Je vais encore essayer de servir un peu de l’extérieur. Je vais retravailler certains dossiers de fond que je connais encore bien. Avec le temps, je finirai par les connaître moins bien, c’est une évidence. Mais pour l’instant, je peux encore être utile.
>> Sur ce sujet :
- Daniel Brélaz de retour au Grand Conseil vaudois en 2022? Interview d’Anne-Catherine Ménétrey
- Daniel Brélaz ne veut pas encore lâcher la vie politique
